L’autre Rimbaud, David Le Bailly

Le jour décalé sur Collectif Polar

Mars est le mois de la poésie même ici, alors…

Le livre : L’autre Rimbaud de David Le Bailly. Paru le 19 août 2020 chez L’Iconoclaste. 19€. (371 p.) ; illustrations en noir et blanc ; 19 x 14 cm. Réédité en poche chez Points, n° 5432 le 21 octobre 2021. 7€40. (239 p.) ; 18 x 11 cm

4e de couv :

L’image est célèbre. Celle d’un premier communiant, cheveux sagement ramenés sur le côté, regard qui défie l’objectif. Ce garçon-là s’appelle Arthur Rimbaud.

Sur la photo d’origine posait aussi son frère aîné, Frédéric. L’autre Rimbaud fut volontairement rayé de l’image, comme il fut « oublié » par la plupart des biographes ; pire encore, effacé de la correspondance du poète et dépossédé des droits sur son oeuvre. Comment deux frères, qui ont reçu la même éducation, fréquenté les mêmes écoles, partagé la même chambre, en viennent-ils à la rupture en grandissant ? Comment une famille peut-elle construire la légende de l’un et contribuer à la ruine de l’autre ? Pourquoi un tel acharnement ?

On croyait tout savoir du plus célèbre des poètes. Il restait encore une part d’ombre. Un autre visage que vient révéler Frédéric, le frère maudit.

 

L’auteur : David Le Bailly est journaliste. Après avoir débuté au quotidien économique La Tribune, David Le Bailly a rejoint la direction de Paris Match. Journaliste d’investigation, il est spécialisé dans les enquêtes politiques et financières. Il est aussi l’auteur de La Captive de Mitterrand, qui fut un succès critique et public, il signe ici un roman singulier, où la fiction se mêle à l’enquête. Il creuse, interroge, noue et défait avec talent les fils complexes du destin.

 

Extraits :
« Chez les frères Rimbaud, ce qui me surprenait, c’était le contraste entre leur proximité durant l’enfance et leur indifférence à l’âge adulte. « 
« Arthur avait renoncé à être un frère, et ce faisant, il avait arraché à Frédéric une part de lui-même ; il avait fallu apprendre à vivre avec cette absence, ce manque physique, comme on apprend à vivre sans ombre, sans reflet. »
« Et toujours, elle songeait à Arthur, ce frère admiré, à la jeunesse chaotique. Elle savait qu’il avait écrit. Mais chaque fois qu’elle avait essayé d’ouvrir cette Saison en enfer, dont un exemplaire était rangé dans la bibliothèque, elle l’avait refermé presque aussitôt, tant les mots qui défilaient devant ses yeux étaient obscurs, et leur agencement incompréhensibles. »

 

Le billet d’humeur de Dame Geneviève

Un autre billet sur un livre bouleversant, loin des polars, quoiqu’il ait fallu à son auteur la patience et la méticulosité des plus fins détectives pour reconstituer la vie de celui que l’on a enterré vivant.
J’ai adoré . Et ça fout un coup de pied dans la fourmilière de ce Rimbaud encensé par tous les intellos , phénomène qui m’a toujours exaspérée…

L’autre Rimbaud, David Le Bailly

Les photos de Rimbaud adolescent sont célèbres, avec ce visage mi-rebelle, mi-ange qui décore même les chambres d’enfants si l’on en croit le chanteur Renaud. Et pourtant la plupart d’entre elles sont incomplètes. Arthur avait un frère qui a été effacé avec un acharnement qui forcerait l’admiration du plus soviétique des historiens . Son tort? Peut-être celui de ressembler au père déserteur du foyer, mari détesté et, comme si cela ne suffisait pas, celui de porter son prénom. L’ainé des Rimbaud a pourtant partagé les premières années de celui qui n’avait qu’un an de moins que lui mais il ne correspondait pas au mythe rimbaldien, construit par deux femmes aussi monstrueuses l’une que l’autre: la mère -ayatollah et sa fille réduite à un robot façonné par la dureté de sa mère.

Partout , celles-ci ont répandu des mensonges, les ayant toujours préférés à la vérité, puisque la vérité dérangeait Madame Rimbaud et sa soif de considération, sa croisade incessante pour reconstituer le blason des Cuif, « SA » lignée , en effaçant tout ce qui ne correspondait pas à sa vision des choses. Elles ont construit le mythe de l’adolescent exalté et génial -ce qu’il était- mais aussi celui du bon catholique « aux mœurs pures » (sic)et tout un tas d’autres fadaises dont on sait parfaitement aujourd’hui qu’elles ne correspondent en rien à la personnalité d’Arthur Rimbaud. Pour sa mère , l’obsession n’était pas du tout la poésie mais l’honneur du nom ! Toutefois le plus monstrueux dans tout cela c’est qu’elles ont réussi, à l’instar des dictateurs -ce qui correspond parfaitement à Madame-  à faire disparaître un être. Il s’appelait Frédéric, Frédéric Rimbaud.

On le gomme sur les photos. On efface son nom. On le prive de toute existence, de tout droit. L’autre Rimbaud raconte ce calvaire. L’autre Rimbaud, a vécu cette épouvante, nié, insulté, victime d’une destruction systématique qui a effacé son nom jusque chez sa descendance. Ce couple infernal où la haine le disputait à la bêtise , a ensuite été aidé par un gendre et mari, caricature dix-neuvièmiste du petit-bourgeois boursouflé, du nom de Paterne Berrichon . Ça ne s’invente pas:  Flaubert n’aurait  pas dit mieux.

Comment une femme peut rejeter à ce point son propre enfant parce qu’il ne correspond pas à sa folie ? Comment un être humain peut faire subir à un autre être humain qui ne lui a rien fait , autant de haine et un travail de sape mené sans relâche ?

C’est au prix d’un travail minutieux, d’une enquête patiente que David Le Bailly reconstitue la personnalité de cet « autre Rimbaud ». Il lui rend justice en essayant de le retrouver, de le faire réapparaître du néant où sa mère et sa sœur l’ont enfoncé.  Frédéric n’avait certes pas le génie d’Arthur, il n’a d’ailleurs pas reçu l’amour de celui-ci ni de personne. Il est « tombé » dans la domesticité, la pire injure qu’il pouvait faire à sa bourgeoise de mère. Il n’a pas réalisé de grande œuvre, il a été systématiquement traité de et traité comme un raté et c’est pour ça qu’on a voulu l’effacer. Mais lui au moins aura eu le courage de faire ce que peu d’êtres humains savent faire : résister à la monstruosité, dire non à la haine et essayer de vivre sa propre vie. Y a-t-il un plus grand courage ?

Lu dans le cadre de 3 défis littéraires

– Challenge Thriller et polar 2022- 2023 chez Sharon

– Le Mois du Polarchez Sharon – Février/mars 2023 (N°18).

le tour du monde en 80 jours chez Bidib (08 France)

 

 

4 réflexions sur “L’autre Rimbaud, David Le Bailly

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