Le livre : Rétiaire(s) de DOA ; d’après une histoire originale de Michaël Souhaité & DOA. Paru le 12 janvier 2023 chez Gallimard dans la collection Série Noire. 19€. (429 p.) ; 21 x 14 cm
4e de couv : Retiaire(s) Une enquêtrice de l’Office anti-stupéfiants, l’élite de la lutte anti-drogue, qui a tout à prouver. Un policier des Stups borderline qui n’a plus rien à perdre. Un clan manouche qui lutte pour son honneur et sa survie. Avec la rigueur qu’on lui connaît, DOA immerge son lecteur dans le quotidien des acteurs du trafic de came ; son indiscutable talent de romancier nous arrime à la destinée de ses personnages, à leurs relations complexes et fragiles ; son style, d’une précision presque brutale, colle au plus près de cet univers de violence et de solitude.
L’auteur : DOA est romancier et scénariste. Lecteur compulsif sur le tard, auteur pour le moment il aime aussi le cinéma, la BD. David Bowie, la musique électronique, les Robustos et les Gran Panatelas. Après Citoyens clandestins. Le serpent aux mille coupures et le diptyque Pukhtu, Rétiaire(s) est son cinquième roman à paraître dans la Série Noire.
Extraits :
« HADJAJ ! »
Ce cri, il tétanise. Dans le décor souterrain corseté de béton où la scène se joue, tous se figent. Malgré les moteurs, les claquements de portes, les conversations, les ordres aboyés et la réverbération chthonienne du tintamarre matinal, chacun est pris aux tripes par la puissance du hurlement.
Par sa haine.
C’est un homme de grande taille, large d’épaules, qui a tonné de la voix. Il a un visage carré aux saillies émoussées et sa petite quarantaine a, depuis longtemps déjà, des allures de cinquantaine ; les dernières semaines n’ont fait qu’ajouter à cette usure prématurée.
L’instant d’avant le cri, personne ne faisait attention à lui. À part un collègue surpris de le trouver dans les sous-sols du 36, rue du Bastion – le nouveau 36 –, appuyé contre un mur, clope au bec, l’œil attentif au ballet des fourgons. Le collègue s’est approché. Théo ? Déjà rentré ? Un sourire déformait son masque chirurgical et son bras amorçait un ridicule salut du coude, façon geste barrière.
Théo ne lui a pas répondu. Il a juste écrasé sa cigarette et dépassé son interlocuteur en lâchant un Va chercher mon taulier. Ensuite, le regard droit devant, Théo a rugi.
« HADJAJ ! »
Fonctionnaires de la pénitentiaire, policiers, gendarmes, prévenus, détenus, tous donc se sont figés. Certains se sont retournés. Le fameux Hadjaj était de ceux-là. Et lui, comme les autres, a mis quelques secondes à comprendre. Quelques secondes. Assez pour reconnaître le fils de pute qui l’a serré. Trop pour faire quoi que ce soit. Quelques secondes pour quelques pas. Pour que Théo puisse dégainer son Glock, tendre le bras, viser. La gueule.
« HADJAJ ! »
De peu, le cri précède le tir. À bout touchant diront sans doute les expertises médico-légales. Hadjaj, Nourredine, né aux Lilas le 7 avril 1989 et défavorablement connu des services de police, s’effondre. Son visage, un masque grotesque, sanguinolent et cabossé.
Les larmes aux yeux, son meurtrier rigole. Dernier crachat sur le cadavre et le pistolet remonte, file vers sa bouche ouverte.
Théo mange son canon.
Chronique de Flingueuse : Le billet de Chantal
Rétiaire(s) DOA
Comment parler de ce dernier opus de DOA, après les critiques élogieuses lues ici et là …? La dernière en date que j’ai lue est celle du Monde … je n’ai pas la prétention d’écrire mieux et plus juste !
Bon, je vais évoquer ce Rétiaire(s) de mon point de vue lectrice fan absolue depuis … un certain temps. Je n’ai peut-être pas absolument tout lu de DOA, mais tout ce que j’ai lu m’a toujours solidement scotchée à mon fauteuil, fait oublier le temps, le monde alentour et donné envie de mieux connaître cet auteur qui prend soin de rester dans l’ombre pour mieux décortiquer les travers et turpitudes de notre société.
Alors donc, Rétiaire(s). Voilà un titre au parfum d’Antiquité romaine, qui nous met immédiatement dans l’ambiance : on voit sur l’écran noir de nos nuits pas forcément blanches de solides gladiateurs armés d’un filet, d’un poignard et d’un trident, sans autre protection que celle du bras gauche, au vu des mosaïques les représentant. À la fois vulnérables et équipés pour se défendre, mais seules peut-être l’habileté, la vitesse et la ruse étaient-elles leurs meilleures armes.
Il sera donc question de combattants, en quelque sorte, dans ce roman, qui vont s’affronter dans une arène qui n’est pas accessible à Monsieur et Madame Toutlemonde. Flics et voyous s’observent, s’évitent, se cherchent, se croisent parfois en prison … L’enjeu est de taille : la drogue, dont le trafic est orchestré par les Cerda, un clan yéniche au dents longues. Face à eux, la brigade des stups de Paris et l’OFAST, qui se devraient de coopérer. Entre ces groupes, un flic, Théo Lasbleiz, un solitaire qui de commandant de police se retrouve en prison pour avoir tué un trafiquant de drogue dans les locaux même de la police. De sang-froid. Ou presque. C’est d’ailleurs la scène inaugurale du roman, qui nous fait entrer dans cette histoire comme si l’on recevait un coup de poing. Il faudrait lire Rétiaire(s) rien que pour cette scène, tant elle est exceptionnelle de tension. Autre personnage auquel le lecteur peut s’attacher (le mot n’est peut-être pas le bon, mais quand même …), la capitaine de gendarmerie Amélie Vasseur, qui n’aura de cesse de traquer les trafiquants, tout en sachant que la « gloire », si tant est qu’elle arrive un jour à quelque chose, ne lui reviendra pas beaucoup .. Elle essaiera aussi de comprendre Théo, de l’écouter…
On croise beaucoup de personnages, on visite bien des lieux, et notamment la prison de la Santé, dont on pénètre les couloirs, les cellules et autres recoins, à la suite de Lasbleiz ou de Momo, chef de famille yéniche, qui tente de garder les rênes de son clan depuis la prison, avec l’aide de sa nièce Lola, petite étoile montante de la famille Cerda . On voyage aussi, en France, en Espagne, en Amérique du Sud …
Rétiaire(s), c’est une intrigue aux fils multiples, qui s’entrelacent, se tordent, se nouent inexorablement… C’est un récit écrit dans une langue qui vous happe, vous entraîne, avec les mots du « milieu », de la prison, des flics …ou de tous les jours. Pas besoin de traduction, même si on n’est pas habitués à les entendre , ça vous parle, immédiatement. Ce récit est une belle machine, parfaitement huilée, qui offre au lecteur l’essence de tout le travail de recherche, parfaitement maîtrisé et dominé, accompli par l’auteur pour coller au plus près de la réalité,. Et la modeste lectrice que je suis ne peut que recommander ce Rétiaire(s). Ceci dit, âmes sensibles s’abstenir !
À quand le prochain, DOA ?!
A reblogué ceci sur Amicalement noiret a ajouté:
Faut vraiment que je lise cet auteur, que j’ai rencontré deux fois mais à qui je n’ai pas osé parler 🤔😚🙏
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Merci Isa, tu peux te lançer oui ! ;-P
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Ah ! Il faut oser ! C’est un homme charmant, un peu impressionnant certes, ms on parle aisément avec DOA !
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Et tu as bien raison Chantal, moi je vais de me lancer dedans et je suis à fonds !
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Il est dans ma liste des « à lire urgent », j’espère ne pas planter cette lecture 🙂
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Moi j’ai vraiment aimé, maintenant je nous trouvr de plus en plus éloignée dans nos ressentis de lecture dernièrement ! sniff 😪
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Oui, on est en décalage sur des grosses productions, des valeurs sûres, et ça, c’est grave 🙂
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Grave je ne sais pas mais là je n’arrive pas à comprendre pourquoi et là ça fait bizarre ! 😁😏🤔
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Moi aussi j’essaie de comprendre 🙂
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